Ma Joie
Tout en haut d’une tour une poule s’est tue
Bien plus bas ont filé les poissons argentés
Le cour d’eau arrêté sur les cailloux jetés
Et les cris des indiens ne résonneront plus.
Pourquoi, pourquoi, pourquoi, un cri dans mes entrailles.
Jaillit soudainement la douleur viscérale,
La perte inéluctable et le noir abyssal,
Au creux de mon être qui n’est plus qu’une faille.
Des hurlements sans fins m’enchainent à ma peine,
Ma main se tend, cherchant sans espoir ta présence.
Pourquoi ? A l’agonie déjà de la distance
Elle t’arrache à moi, instillant sa gangrène.
Oh ! Comme j’aimerais m’abreuver au Léthé !
Oublier le sombre mal lové dans mon corps.
Oublier l’absence et les immortels remords,
Oublier la Mort et sa douce cruauté.
Oh ! Comme j’aimerais m’enfoncer aux Enfers !
Tel Orphée, supplier pour emporter ton âme !
Et sciemment échouer car mon cœur le réclame,
Une dernière fois, te revoir, cher grand-père.
Pour graver à jamais ceci dans ma mémoire.
Réentendre ta voix, la laisser m’envahir.
Revoir tes yeux rieurs et ton joyeux sourire,
Quand de Paul le crâne tu racontais l’histoire.
Balancer les galets le plus loin dans la houle,
Arrondir la bouche et imiter la roussette,
Gratter le plastique du dessus de poussette,
Et chanter les pigeons qui roucoulent, roucoulent.
Se lancer dans les airs sur un pneu bien instable,
Appeler les canards, canards, coin, coin, coin, coin.
Chiper deux caramels en un clin d’œil coquin.
Boire un, deux, trois whiskys et rouler sous la table.
Et descendre au jardin pour respirer la terre.
Et voir jaillir le feu de la simple étincelle.
Et puis s’égosiller tout le long du tunnel.
Et chercher sans répit la petite cuillère.
Car les voilà venues, ces foutues chrysanthèmes,
Me laissant dans le vide et le besoin de toi.
Restent les souvenirs, ô mon papy, ma joie.
Aujourd’hui, j’en suis sûr, je t’ai bien dit « je t’aime ».