Vois les étoiles

« Vois les étoiles, elles brillent de mille feux, tout va bien ce soir. »

Orios leva les yeux vers le ciel. La conjoncture des astres était particulièrement favorable ce soir. Il s’avança en direction de la mare dont le clapotis résonnait doucement dans la clairière. Il s’accroupit, recueillit un peu d’eau dans sa main qu’il porta à sa bouche. Un bruit lointain troubla soudain le chant de l’eau. Au loin des voix s’élevaient, portant en elles toute la rage et la violence du génocide. Des lumières firent bientôt leur apparition dans le noir, de nombreuses torches sous lesquelles se tenaient des hommes armés de masses et de lames.

Orios évalua la situation. Si les astres lui étaient favorables, ils ne pouvaient pas le rendre invisible ni même atténuer le bruit de ses sabots sur les pierres qui jonchaient le sol de la forêt. La peur commença à lui prendre le ventre. S’il restait là, les hommes allaient forcément le découvrir, et son sort ne lui était pas inconnu. Il avait vu les corps de ses frères. Il savait pertinemment que même si l’issue finale était la mort, la manière d’y parvenir dépendait du bon vouloir et de l’humeur de ses tortionnaires, et à entendre ceux qui se rapprochaient, il était persuadé que la souffrance serait longue. La puissance des voix et des torches augmentait de plus en plus. Orios récolta un peu de mousse qui courrait sur les rochers autour de la mare et la frotta sur ses sabots. En quelques minutes il réussit à créer une mince couche qui, il l’espérait, étoufferait le bruit de ses pas pendant quelques dizaines de mètres, lui laissant ainsi la possibilité de mettre le plus de distance entre lui et les chasseurs.

Il s’élança.

***

Si Orios devait fuir les hommes il n’en avait pas toujours été ainsi. Il n’y a pas si longtemps encore les humains venaient dans les bois pour partager des repas avec les satyres et les nymphes. Leur demander conseils et prédictions. La forêt résonnait alors de chants joyeux et parfois, car l’on sait tous que l’alcool souvent délie les langues et fait taire les conventions, les soupirs d’ébats discrets. Orios était d’ailleurs le fruit de l’amour d’un après-midi. Mais lorsque sa mère avait découvert que malheureusement il tenait plus de son père que d’elle en dessous de la ceinture elle l’avait rapporté dans la forêt, parmi les frères d’Orios. Cela ne l’avait pas empêché de venir le voir, de temps en temps et de lui apporter quelques plats qu’elle lui préparait elle-même. Car si elle l’avait en quelque sorte abandonné, ce n’était pas par manque d’amour ou de honte mais parce qu’elle était la fille d’un grand homme en ville et que même si tout le monde savait ce qu’il se passait parfois dans les bois, personne ne voulait en entendre parler ni même se le voir suggérer. Imaginez alors un satyre élevé au milieu des hommes.

Seulement, ces temps étaient désormais révolus. C’est lors d’un de ces après-midis que le drame avait eu lieu. Un homme, un peu trop échauffé par le vin avait décidé de prendre de force une nymphe. La malheureuse avait appelé à l’aide et un satyre était intervenu. L’autre avait riposté, forçant le satyre à le menacer de son arme. L’eau où baignait encore la nymphe s’était alors teinté de rouge. Par la suite les hommes ont commencé à répandre des rumeurs concernant les satyres et les nymphes, racontant comment ils se livraient à des orgies, kidnappant parfois des jeunes femmes de bonne famille et les déshonorant. La mère d’Orios avait été citée comme exemple. Puis il fut temps de prendre des mesures.

C’est ainsi que le massacre eut lieu.

***

Orios était essoufflé. Il avait finalement réussi à échapper à ses poursuivants. Ils avaient tout de même bien failli le rattraper une fois ou deux. Si l’idée de la mousse était bonne elle n’avait pas eu l’effet escompté et au bout d’une dizaine de mètres le claquement bien reconnaissable des sabots sur le sol avait retenti, et malgré tout le bruit que faisaient les hommes, il était parvenu à leurs oreilles, les guidant dans leur chasse. Orios avait pris l’habitude de ne jamais s’établir au même endroit plusieurs jours de suite, et heureusement cette nuit-là aucun des endroits qu’il avait l’habitude de fréquenter n’était proche. Il avait même découvert une nouvelle grotte dans laquelle il s’était réfugié. Elle était masquée par de touffues bruyères, si bien que les hommes étaient passés devant sans même la voir, pendant qu’Orios, terré dans le fond, tentait de faire le moins de bruit possible.

Il avait également pris l’habitude de ne dormir que le jour. Suffisamment bien dissimulé, il ne prendrait aucun risque de croiser des hommes, et la plupart d’entre eux dorment la nuit, ce qui lui laissait la possibilité de marcher librement dans la forêt. Cette nuit était une exception, c’est la première fois qu’il voyait des hommes en chasse depuis plusieurs mois, si ce n’est une année. Il faut dire que la quasi-totalité de ses frères et sœurs étaient tombés. Avant de changer de rythme de vie, il avait pu constater la barbarie des hommes. Il avait un midi découvert son père, écartelé et émasculé. Deux jours auparavant c’était une nymphe avec qui il prévoyait de s’unir qui avait été égorgée et placée dans une position plus que déshonorante. Ironiquement, il lui semblait que malgré tous les satyres qui avaient été massacrés, celui qui avait été à l’origine de ce génocide était toujours en vie. Orios ne connaissait pas son nom, mais il était certain de ne l’avoir jamais vu parmi les nombreuses victimes qu’il avait pu rencontrer sur sa route.

Les premières lueurs du soleil apparaissaient dans le ciel. Orios fouilla dans son sac et en sorti quelques racines qu’il grignota en silence. Il aurait aimé sortir sa flûte et jouer quelques notes, mais la musique était devenue trop dangereuse. La vie en elle-même était devenue trop dangereuse. Orios ramena ses pattes contre lui et ferma les yeux.

Il devait dormir depuis quelques heures lorsqu’il entendit les fougères s’agiter. Son instinct l’amena à prendre sa dague, coincée à sa ceinture. Silencieusement et rapidement, il se mit debout et attendit. De la lumière entra dans la grotte, quelqu’un venait d’y pénétrer. Au bruit des pas, Orios comprit qu’il n’y avait qu’une personne, de faible corpulence. Peu de chance qu’il meurt dans cette grotte. Caché dans un recoin, il s’apprêtait à fondre sur son visiteur lorsqu’il s’aperçut que l’intrus était en réalité une intruse. Il n’avait encore jamais vu de femmes parmi les chasseurs, mais restant prudent il garda son arme à la main. La jeune femme continuait à avancer dans la grotte et bientôt elle tomberait sur lui. Ne souhaitant pas rester collé contre la paroi de la grotte, car en cas de combat ce serait une très mauvaise posture, il s’avança et se dévoila. La jeune femme surprise cria.

« Je vous en supplie, taisez-vous, taisez-vous, je ne vous veux aucun mal », dit doucement Orios.

Ce fut au tour de l’inconnue de se retrouver plaquée contre la roche, la respiration saccadée. Orios compris que le peu de lumière qui filtrait ne suffisait pas à la femme de distinguer ses jambes. Peut-être pouvait-il se faire passer pour un homme ?

« Je vais vous tendre la main, d’accord, calmez-vous, je vous le répète, je ne vous veux aucun mal. 
– Je, qui êtes-vous ? Balbutia la jeune femme
– Je m’appelle Orios, continua-t-il d’un ton calme, j’étais venu ici pour me reposer, j’ai passé une partie de la nuit à … cueillir des champignons pour les vendre sur le marché.
– Des champignons ? répéta-t-elle doucement en prenant la main qu’il lui tendait.
– Des champignons, assura-t-il. Malheureusement la cueillette a été mince, j’ai dû manger le peu que j’avais récolté en petit déjeuner. »

Elle rit. Orios, que le stress commençait à quitter, commença à rire aussi. Tous deux furent bientôt pris d’un rire violent et, déséquilibré, Orios bougea sa jambe. Son sabot frôla le pied de l’inconnue. Les rires s’arrêtèrent net, et malgré le peu de lumière le satyre distingua nettement la peur traverser les yeux de la femme.

« Vous… vous n’êtes pas un homme », dit-elle en un souffle.

Orios ne répondit pas tout de suite, cherchant les mots. Soudain il sentit une main se poser sur ses hanches et descendre lentement le long de sa cuisse, légèrement dévoilée par son pagne. Hors contexte ce geste aurait pu être relativement plaisant. La main de la jeune femme ayant rencontré l’inévitable vérité, elle se retira aussitôt. Sentant le danger, Orios ne réfléchit plus et plaqua sa main contre la bouche de l’inconnue et la dague sur sa gorge.

« Je ne vous voulais aucun mal, mais si vous me faites découvrir, sachez que je n’hésiterais pas. »

La main de la jeune femme se posa doucement sur la sienne et lui fit abaisser sa dague. Orios s’écarta.

« Ecoutez, supplia l’inconnue, je ne savais pas que vous étiez là, je cherchais des baies lorsque j’ai vu cette grotte… Ne me faites pas de mal, je ne dirais à personne que je vous ai vu là…
– Quand bien même vous le diriez, je serais parti depuis longtemps, répondit-il d’un ton brut.
– Ne me faites pas de mal, répéta-t-elle.
– Je n’en ai pas l’intention…
– Mais, vous êtes un satyre, vous tuez les nôtres, au mieux, le coupa-t-elle.
– Je… »

Un silence s’installa. Orios ne savait quoi répondre. Elle avait l’air si jeune qu’elle n’avait pas dû connaître l’âge d’or des satyres, cet âge où les hommes et les femmes venaient encore les voir pour partager du bon temps. Il évalua la situation. S’il sortait maintenant il pouvait rencontrer des chasseurs, il devait être presque midi, peut-être un peu plus. Il ne pouvait donc pas la laisser partir. Mais la retenir pouvait également jouer contre lui. Il s’assit par terre. Elle resta debout, interloquée, pendant un bon moment et fini par l’imiter.

« Quel âge avez-vous ?
– Tout juste 15, répondit-elle.
– Vous êtes tellement jeune, vous ne connaissez de mon peuple que ce que l’on a bien voulu vous dire…
– Et vous, quel âge avez-vous ? »

La question surprit Orios.

« Une centaine d’année, finit-il par répondre.
– Mais, vous paraissez beaucoup plus jeune !
– Nos années ne correspondent pas du tout aux vôtres. .. »

Un nouveau silence. Puis, alors qu’Orios ne s’y attendait pas du tout, l’inconnue sortit des baies de sa sacoche et lui en proposa. Il accepta. Le silence se prolongea le temps qu’ils mangeaient. Ce fut elle qui le brisa.

« Je me nomme Celys. »

Et elle lui demanda de lui dire pourquoi elle ne savait rien des satyres. Orios lui raconta l’histoire de son peuple, leurs coutumes, leurs fêtes mythiques, comment les hommes les avaient découvertes, appréciées, comment les peuples se mélangeaient. Il lui raconta sa naissance, son enfance, bien qu’il lui cacha pourquoi il avait été abandonné, il lui raconta également comment il avait vu vieillir sa mère, et comment un jour il avait attendu qu’elle vienne sans jamais la voir arriver. La lumière ne filtrait quasiment plus au travers des fougères. Orios s’arrêta. Il était temps pour Celys de retourner parmi les siens. Il se leva et écarta les plantes. La forêt commençait à devenir sombre est était silencieuse. Aucun bruit de pas ne troublait la quiétude du lieu. Il se retourna :

« Il est l’heure, je dois partir, et vous aussi.
– Mais…
– Il n’y a pas de mais, hier j’ai été pourchassé, je ne veux pas courir le risque de mourir ici, je dois partir, aller ailleurs, et vous devez me promettre de ne pas essayer de me retrouver. »

Orios avait beau ne rien craindre de Celys, il ne pouvait pas totalement lui faire confiance. Elle pouvait très bien le mettre en danger sans même le vouloir.

« Alors que vous n’avez pas fini de me conter votre histoire ? Elle diffère tellement de ce que j’ai pu entendre chez moi. Ce matin je croyais encore que vous ne cherchiez qu’à tuer, ce soir je découvre que vous êtes très loin des barbares que l’on m’a dépeint…
– Je ne puis courir le risque… »

Elle se leva, passa devant lui et sorti de la grotte. Orios put alors voir, à travers les dernières lueurs du soir, que Celys était une jeune femme d’une grande beauté. Ses longs cheveux bruns cascadaient librement jusqu’à ses hanches, son visage était fin, sa bouche rosée et ses yeux gris laissaient entrevoir quelques paillettes d’or. Ces temps sont révolus se répéta-t-il alors qu’elle mettait une main sur ses hanches.

« Voyez, j’ai ameuté tout le village afin de vous tuer. »

Il rit. Soudain lui vînt une idée. Il pouvait lui donner rendez-vous, le lendemain, dans un lieu qui lui permettrait de s’échapper sans soucis. Plus loin il existait un réseau de grottes communicantes. Un véritable labyrinthe pour qui ne le connaissait pas. Il leva les yeux au ciel. La constellation de la vierge le narguait.

« Connaissez-vous ces bois ?
– Assez pour y venir en pleine nuit.
– Alors venez, demain soir, près du rocher murmurant, je vous conduirai ensuite dans un endroit où je serais en sécurité. »

La nuit fût longue pour Orios. Il n’avait que trop peu dormi, et trop peu mangé. Il chercha des baies et chassa un peu. Il prit également le risque de faire un feu afin de cuire le lapin qu’il avait réussi à attraper. Pendant qu’il mangeait, il entendit un bruit. Il se retourna et aperçut au loin un de ses semblables. Malgré le peu de lumière, il en était sûr, il venait de voir le satyre qui avait tué l’homme. Il regarda le ciel. Le guerrier ne brillait pas. Il retourna à son lapin. Il se mit ensuite en route pour trouver un abri près de la roche murmurante. Il trouva un arbre dont les racines formaient un trou assez grand pour qu’il puisse s’y dissimuler en accumulant quelques branches sur lui. Les premiers rayons de soleil n’avaient pas encore percé le ciel qu’il dormait déjà.

Cette nuit-là il rêva.  Il rêva qu’il tuait l’autre, qu’il en rapportait la tête à Celys, aux hommes pour prouver son désir de paix, mais alors qu’il la brandissait, la tête se transformait pour devenir celle de sa mère. Les hommes sortaient leurs armes et le transperçaient. Celys assistait à tout cela sans rien dire. Il avait beau l’appeler, elle ne bougeait pas.

Il s’éveilla soudainement, presque en pleurs. La nuit n’était pas encore tombée mais la lumière déjà commençait à rougir. Il allait sortir une patte de lapin pour la grignoter quand il se dit que Celys en voudrait peut être un peu. Le bois était silencieux. Il sortit prudemment, attendit puis se mit en chemin. Lorsqu’il arriva au lieu convenu, elle était déjà là, assise sur la pierre, le regard vers la voute céleste. La clairière offrait une vue dégagée sur les étoiles, et une fois de plus Orios s’aperçut que la Vierge le regardait avec amusement. Il baissa les yeux. Celys avait plongé son regard dans le sien. Le satyre réprima ses pensées et s’avança vers elle.

« J’ai amené du pain, du fromage et du vin, dit-elle joyeusement.
– Je me sens quelque peu inutile avec mes deux pattes de lapin trop cuites. »

Elle rit. Orios apprécia la musique de son rire et continua :

« Venez, nous avons quelques pas à faire avant d’arriver.
– Où allons-nous ?
– Dans un lieu où je serai en sécurité.
– Ah, j’oubliais, j’ai caché une armée sous ma tunique !
– Méfiez-vous que je ne l’enlève pas, pour vérifier. »

Orios regretta immédiatement les mots qu’il venait de prononcer, mais ils ne parurent pas gêner Celys. Elle lui rappelait la nymphe qu’il comptait prendre pour compagne. Non pas qu’elle lui ressemblait, aucune femme ne pourrait jamais avoir la délicatesse d’une nymphe, mais elle avait une beauté particulière et un rire franc qui ne le laissait pas insensible. « Ne te fais pas d’illusion, elle doit déjà être promise. Et que ferais-tu, hein, si elle venait à mettre au monde un enfant comme celui que tu as jadis été ? »

« Sommes-nous encore loin ?
– Non, pas, répondit-il, interrompu dans ses pensées.
– Je meurs de faim !
– Je crois apercevoir l’entrée à une vingtaine de pas, regardez, dit-il en lui indiquant une direction.
– Je la vois également ! Pensez-vous que nous pourrons allumer un feu ?
– J’aimerais éviter, mais si nous le devons, nous le ferons. »

Les nuits commençaient effectivement à devenir fraîches. Orios espérait cependant ne pas avoir à mettre en danger sa position. Ils partagèrent le repas pendant qu’Orios racontait la suite de son histoire. Il entreprit cette fois-là de lui raconter les grands de son peuple, les plus vaillants guerriers, les plus intrépides chasseurs (car parfois, il était dur de courir après une proie), les plus délicats écrivains et les plus harmonieux musiciens. Il expliqua combien de temps il lui avait fallu pour apprendre la musique.

« Jouez pour moi, lui demanda-t-elle.
– C’est dangereux…
– Jouez, s’il vous plait. »

Il sortit sa flûte et commença à jouer. Inconsciemment il avait entamé les premières notes d’une mélodie que sa nymphe appréciait énormément. C’était d’ailleurs grâce à elle qu’il l’avait séduite. Il continua. La musique était douce, en un premier temps joyeuse, puis très mélancolique. Les dernières notes laissaient enfin apparaître la douleur. Il s’arrêta et resta un long moment silencieux. Puis, estimant qu’après tout, cela faisait tellement de temps qu’il n’avait pas joué, il reprit son souffle et commença un nouvel air. Celui-ci était plus enjoué, c’était un des airs qui se jouait beaucoup lors des fêtes. Les notes semblaient jaillir de sa flûte et rebondir joyeusement sur les parois de la grotte. Lorsqu’il eut fini, Celys souriait.

« Même si j’ai une préférence pour la première, la seconde est quand même plus à propos, lui dit-elle.
– Je me suis dit qu’après tout, il aurait été dommage de finir sur une note si triste, répondit Orios avec un clin d’œil.
– Finir ? Mais pourquoi finir ? lui demanda-elle interloquée.
– Le soleil ne va pas tarder à se lever, vous devez rentrer.
– Allez-vous rester ici ?
– C’est probable, je ne sais pas encore. »

Il ne voulait en aucun cas courir le risque d’être découvert. Celys pouvait rencontrer un chasseur sur le chemin du retour, il pourrait se demander ce qu’elle faisait dans la forêt à cette heure. La suite était aisée à découvrir.

« Pourrais-je vous revoir ce soir ?
– Connaissez-vous la cascade en fleurs ? 
– C’est assez loin dans le bois, mais oui, je crois savoir où elle se situe…
– Retrouvez-moi là-bas à la même heure qu’hier. »

Ils se levèrent. Alors qu’ils se dirigeaient vers la sortie, Celys passa son bras à celui d’Orios. Ce dernier, bien que surpris, ne dit rien. Ils prirent ensuite deux directions opposés. Orios s’enfonça plus profondément dans les bois afin de se rapprocher de la cascade. En chemin il croisa un bosquet de baies et un oiseau pris dans un piège. Le diner était tout trouvé, même si Celys avait insisté pour qu’il garde le reste de pain et de fromage qu’ils n’avaient pas mangé la nuit dernière. Il finit par trouver un abri de fortune dans un arbre qui était déraciné. Il s’endormit assez rapidement. Les rêves furent une nouvelle fois au rendez-vous, mais cette fois il ne fut plus question que de Celys. Lorsqu’il s’éveilla le soleil était encore là. Préférant rester caché, il sortit un morceau de pain et le grignota, en attendant que les rayons faiblissent. Une petite heure plus tard, les premières étoiles commençaient à apparaitre. Le ciel n’était pas encore assez dégagé pour qu’Orios puisse les distinguer. Il se mit en route pour la cascade, pressant le pas. Lorsqu’il entendit le chant de l’eau il accéléra encore un peu plus. Elle était déjà là, penchée sur son reflet, en train de se recoiffer. Il s’avança, le plus doucement possible.

« Inutile, je vous ai entendu.
– Saleté de sabots. »

Elle se retourna, souriante.

« Où allons-nous ce soir ?
– Nous restons ici.
– Quoi, à découvert ? Attention, autant prévenir directement les hommes que j’ai emmenés avec moi qu’ils n’auront pas la peine de nous chercher !
– Ai-je dit que nous serions à découvert ? Orio s’approcha de la cascade. Voyez-vous, beaucoup de gens savent que cet endroit existe, peu le connaissent réellement. Venez. »

Il lui tendit la main. Celys la saisit. Il allait pénétrer dans la cascade lorsqu’il le vit. Au loin, l’autre satyre les observait. Orios prit rapidement Celys, qui poussa un cri de surprise, par la taille et se précipita sous l’eau. Il lui chuchota :

« Surtout, restez là, ne faites aucun bruit, je reviens. »

Orios n’avait en théorie rien à craindre de l’autre. Après tout, ils étaient frères, et même s’ils ne s’étaient jamais réellement connus, leurs lois interdisaient le combat et le meurtre, surtout entre frères. Mais les deux satyres avaient désormais un ennemi commun, et l’un d’eux se cachait actuellement sous la cascade, dans une petite caverne que tous deux connaissaient. Orios fouilla les environs mais l’autre avait disparu. Il revint à la cascade et rejoignit Celys. Cette dernière était en train d’essorer sa tunique. Le tissu lui collait à la peau. Lorsqu’elle le vit, elle lui demanda, affolée :

« Que s’est-il passé ? Pourquoi cette hâte ? Pourquoi m’avoir laissée ici ?
– Il fallait que je vérifie quelque chose.
– Mais quoi ? »

Orios ne savait que faire. Si raconter à Celys l’histoire de sa vie et de son peuple avait été distrayant, lui raconter l’origine du massacre ne le serait pas autant. Il soupira.

« Savez-vous pourquoi vos hommes nous chassent ?
– Oui et non. A vous voir, je commence à me poser des questions. A moins que vous ne soyez une exception parmi vos frères.
– Que vous a-t-on dit ? demanda-t-il, las.
– Que vous kidnappiez les nôtres, que vous les déshonoriez, que parfois même certaines femmes tombaient enceintes et mettaient au monde des monstres.
– J’en suis un.
– Pardon ?
– Je suis un de ces monstres. »

Celys se tut et le regarda, droit dans les yeux. Orios ne savait comment lui expliquer. Il commença à se maudire, à maudire sa stupidité et son espoir.

« Je vous ai déjà parlé des fêtes que nous organisions dans les bois, avec les nymphes. Je vous ai déjà dit que nos peuples se mélangeaient, au point parfois d’avoir des enfants. De nombreuses nymphes ne l’étaient en fait qu’à moitié. Pour les humains il n’y avait aucune différence, mais nous le voyions. Il en va de même pour les satyres. Et également pour les hommes. Certains d’entre vous ont des dons tous particuliers pour la flûte, croyez-vous qu’ils viennent comme cela ? Ma mère était une humaine, mais elle n’a jamais été déshonorée. Jamais. Et lorsqu’elle venait me visiter, elle ne manquait jamais d’embrasser mon père. »

Celys se taisait. Elle attendait la suite. Orios reprit.

« Je me souviens encore parfaitement de la fête qui a scellé le début de notre cauchemar. Le printemps venait de s’achever, nous fêtions le solstice d’été. A cette occasion, une journée entière était consacrée au plaisir et à la divination, car nombre d’entre vous veniez afin que nous leur dévoilions les projets des astres. La nourriture était abondante, comme à chaque fête, et le vin coulait à flot. Mais comme vous devez le savoir, le vin tourne parfois les esprits. Si nous n’avions aucune gêne à nous mêler aux hommes, nous refusions de le faire de force. Vers la fin de l’après-midi nous avons entendu un cri provenant de la rivière qui courrait près de nous. Nous nous sommes tous précipité afin de savoir ce qu’il se passait. C’est là que nous les avons vus. Une nymphe se débattait alors qu’un homme cherchait à la plaquer contre le sol. L’un de mes frères s’est avancé afin de les séparer, la nymphe s’est réfugiée dans l’eau et l’homme s’est relevé pour faire face à mon frère. Ne la force pas si elle ne le désire pas, lui a-t-il dit, reviens un autre jour, peut être acceptera-t-elle. L’autre lui a répondu : c’est maintenant que je la veux, c’est pas toi qui m’en empêchera. Au ton et à sa démarche, nous avions compris que le vin avait fait son effet. Il a commencé à menacer mon frère, chacun a sorti son arme, mon frère fut le premier à frapper. L’autre est tombé dans la rivière. La nymphe s’est précipité pour le rattraper, tenter de compresser la plaie mais il était trop tard. La suite, vous la connaissez. Des rumeurs se sont propagées, fausses, évidemment. Nous en avons tous souffert, ma mère ne pouvait plus venir autant me voir car elle avait été prise comme image de notre cruauté. Et puis les premiers massacres ont eu lieu. J’ai vu tous les miens mourir. Presque tous.
– Presque ?
– Là dehors, le dernier frère encore vivant qu’il me reste. C’est lui.
– Lui ?
– Celui qui a tué. »

Tous deux se turent. Seule l’eau continuait son interminable monologue. Orios se sentait soulagé et en même temps terriblement triste.

« Avez-vous déjà pensé à le tuer et ramener son corps ? Demanda Celys, naïvement.
– Nous sommes frères. Notre peuple condamne… condamnait les meurtres, de tous types. Quand bien même ce ne fut pas le cas, pourquoi ferai-je cela ?
– Il a tué l’un des nôtres.
– Mais, vous souvenez-vous pourquoi ? Devrais-je exécuter l’un des miens pour avoir défendu une de nos sœurs ? Cet incident est certes regrettable, mais il n’est en rien notre unique faute…
– Pardonne-moi. »

Une fois de plus un long silence s’installa. La nuit avançait. Orios se leva et sorti de la caverne. La cascade était située dans une petite clairière qui laissait apercevoir une partie du ciel. Il sentit Celys à ses côtés.

« Regarde les étoiles, elles brillent fort ce soir.
– Je ne sais les distinguer toutes.
– Là, les Jumeaux, ils semblent toujours séparés. Ils doivent le rester. Plus loin, vois-tu deux grandes, bien plus puissantes que toutes les autres ? Ce sont les yeux de la Vierge. Ils nous regardent de plus en plus ces derniers temps. Là ce sont les nageoires du Poisson. Elles m’indiquent cet endroit. » Il embrassa la clairière du regard. « Le Guerrier n’est pas là ce soir, la nuit sera calme.
– Pourrais-tu me dévoiler les astres ?
– Pas ici. Je ne vois pas assez le ciel. Etudier la conjoncture ici serait une erreur, je ne pourrais voir que la moitié, au mieux, des étoiles.
– Où alors ? Demanda Celys.
– Il y a une colline, à quelques lieux d’ici, sur laquelle nous nous réunissions il y a fort longtemps.
– Pouvons-nous y aller ?
– Il est trop tard. Il y a quelques heures de marche. Et… Orios hésita. Elle est entièrement à découvert. La forêt ne me protègerait plus.
– Quand cesseras-tu de croire que je souhaite ta mort ! J’ai bien d’autres projets te concernant.
– Lesquels ?
– Ne les vois-tu pas dans les astres ? » Répondit-elle, taquine.

Ne t’ai-je pas dit que la Vierge nous regardait en ce moment pensa Orios. Ne crois-tu pas que je n’ai pas vu, depuis notre rencontre il y a pourtant quelques jours de cela, les étoiles s’animer de plus en plus.

« Je crains malheureusement de ne pas être assez éveillé ce soir pour les distinguer.
– Je crois que ton côté humain se dévoile, répondit-elle.
– Je ne te permets pas, fit-il semblant de s’offusquer.
– Je n’ai pas besoin de ton autorisation…
– Il va falloir que tu rentres.
– Déjà ? Mais, le jour est loin de se lever !
– Si tu veux aller observer le ciel demain, il faudra partir plus tôt. »

Ses yeux brillèrent. Cette fois, Orios la raccompagna sur une petite partie du trajet. Ils convinrent d’un endroit pour se retrouver le lendemain et d’une heure. Cette fois le soleil ne serait pas couché, mais Orios n’était plus à cela près. Pendant une nuit il serait entièrement à découvert, sans un arbre pour se dissimuler. Alors un peu plus ou un peu moins, plus rien n’importait. Au moment de se quitter, Celys se haussa sur la pointe des pieds. Orios se détourna et le baiser se perdit sur sa joue.

Le lendemain il se réveilla beaucoup plus tôt que prévu. Qu’importe, il lui fallait trouver à manger. Il sorti de son abri du jour, une grotte qu’il avait déjà fréquentée, et parti en quête de baies, racines, et champignon. Il tomba sur un nid, probablement de canard. Il préleva 4 œufs qu’il prit le temps de cuire. Ses pensées étaient entièrement tournées vers Celys. Il savait pertinemment que céder à ses envies ne serait que pure folie, mais il ne pouvait s’empêcher de se demander jusqu’où ils iraient, si jamais… Puis il se raisonnait. Il gâcherait probablement la vie de la jeune femme, et se mettrait lui-même en danger. Il repensa à ce qu’elle avait dit et à son rêve. Ce pourrait être une solution, effectivement. Mais comment tuer un frère ? Et comment réagiraient ensuite les hommes ? Ils auraient pu tuer uniquement le coupable, mais c’est bel et bien un massacre qu’ils avaient réalisé. Et quel massacre. Non contents de torturer et tuer, ils profanaient aussi les corps. Pardonne-moi, Celys, jamais je ne pourrais leur pardonner cela. Jamais nous ne pourrons trouver un terrain de paix. Ce soir sera le dernier soir où nous nous verrons. Demain je partirai, loin.

Il se mit en route pour retrouver la jeune femme. Ses sabots claquaient sur le sol, affolant au passage les rongeurs nocturnes qui commençaient à sortir. Malgré sa résolution de ne plus jamais revoir Celys, Orios était plutôt joyeux. Qu’importe la tournure que prendrait la soirée, il avait pu conter sa propre version de l’histoire à une humaine. Et il ne doutait pas qu’elle la partagerait un jour avec ses enfants. Il espérait même, follement il le savait, que les hommes se rendraient compte de leur folie.  Peu de temps avant le lieu convenu, il croisa un bosquet de fleurs. Il cueillit la plus belle. Arrivant enfin, il remarqua que Celys était une fois de plus en avance. Il la salua d’une courbette et s’avança. Il mit la fleur dans les cheveux de la jeune femme. Elle rit.

« Nous mettons nous en route tout de suite ? Demanda-t-elle.
– Oui, nous avons deux heures de marche environ. Nous passerons par la forêt… Cela rallonge un peu mais…
– J’ai compris, répondit-elle en soulevant légèrement sa tunique, dévoilant ainsi ses genoux, mon armée est bien cachée, vois !
– Ne te moque pas ! »

Ils commencèrent à avancer tranquillement. Celys continuait à poser des questions sur les us et coutumes des satyres et des nymphes, Orios se faisait un plaisir d’y répondre. Parfois leurs pas effrayaient un lapin ou un oiseau qui s’était réfugié pour la nuit. Ils découvrirent des mures et s’arrêtèrent pour en cueillir de quoi remplir deux petits bols. Alors qu’ils avaient repris la route, Orios remarqua des traces qu’il n’avait pas vues depuis de nombreux mois. Il décida de ne pas y faire attention, préférant ne penser qu’à la dernière soirée qu’il passerait dans la région. Malheureusement, les traces s’intensifièrent au fur et à mesure qu’ils avançaient.

« Reste ici et attend-moi, s’il te plait, dit-il à Celys.
– Que se passe-t-il ? Demanda-t-elle.
– Rien de grave, je l’espère. »

Il la laissa et continua à avancer en direction des traces. Leur nature était aisément identifiable au rouge qu’elles avaient laissé, sur le sol et les écorces des arbres. Discrètes au tout début, elles étaient de plus en plus larges. Orios savait qu’il se dirigeait tout droit vers le lieu d’un massacre. Puis il le vit. Celui qui avait déclenché toute cette guerre était là, éviscéré et décapité, pour ce qui était du plus rapidement notable. Orios s’inclina.

« Voilà qu’ils t’ont eu, toi aussi. Justice aurait pu être rendue, si tu avais été seul fautif. Justice aurait pu être rendue, si tous les autres étaient encore vivants. Je pleure ta perte, mon frère. »

Soudain il entendit un bruit derrière lui. Les feuilles bougeaient. Les chasseurs étaient-ils encore proches ? L’avaient-ils vu ? Il reconnut sa voix :

« Orios, es-tu là ? Que fais-tu ? Je… »

Elle venait d’apparaître.

« Je t’en supplie ferme les yeux, ne regarde pas, ne regarde surtout pas cela ! » Cria-t-il en sachant qu’il était probablement trop tard

Elle le regarda puis ses yeux se dirigèrent vers le satyre massacré. Elle se retourna et partit en courant. Orios la suivit et la rattrapa. Il la prit dans ses bras en lui chuchotant calmement des mots rassurant. Pourquoi es-tu venue, pensait-il, je t’avais dit de rester, de rester et d’attendre que je revienne… Tu n’aurais jamais dû voir ça, tu ne savais pas. Elle pleurait.

« Qui, qui a fait cela, murmura-t-elle entre deux sanglots
– Ceux à qui j’échappe depuis quelques années maintenant…
– Mais pourquoi, pourquoi tant de …
– C’est dans leur nature. Tous ont péri ainsi. Mais cette fois, ils ont eu celui qu’ils estimaient fautif.
– Alors, arrêteront-ils ?
– Je crains d’être maintenant le dernier survivant de mon peuple. Peut-être ne me trouveront-ils jamais… » Il hésitait à lui dire qu’il partait, ce soir. « Je compte fuir. Et finir mes jours loin d’eux.
– Ne me laisse pas, supplia-t-elle, accepte que je te suive… »

Orios ne savait quoi répondre. Il recommença à avancer, elle suivit. Ils étaient bientôt arrivés. Ce qu’il verrait dans les étoiles ce soir déterminerait ce qu’il lui répondrait. La fin du chemin se fit dans le silence. Lorsqu’ils sortirent de la forêt, Orios indiqua la colline du doigt et ils se dirigèrent vers elle. La nuit était tombée, et les étoiles brillaient plus que jamais. Ils arrivèrent au sommet, Celys semblait s’être calmée. Ils décidèrent de manger avant de regarder plus attentivement le ciel. Une fois le repas fini, Ils s’allongèrent et Orios commença à décrire le ciel.

« Alors, combien aurais-je d’enfants ? Demanda Celys.
– Cela ne marche pas ainsi, rit-il.
– Comment alors ?
– Je peux te dire à plus ou moins long terme quelles périodes te seront le plus favorables, celles qui ne le seront pas. Si tu te poses des questions sur un avenir très proche, je peux te donner des pistes… Mais la lecture et l’interprétation sont délicates. Je peux me tromper. 
– Me laisseras-tu venir avec toi ? »

Orios s’attendait à cette question. Le voyageur était pourtant clair, et la boussole également. Pesant ses mots, il répondit :

« Je vois un voyage oui. Mais je ne peux être totalement sûr quant à sa nature. Et sur tes compagnons de route.
– Que vois-tu d’autre ?
– Là-bas, les oiseaux semblent s’envoler.
– Un autre présage de voyage ?
– Non ils symbolisent la mort d’un être, répondit-il un peu trop vite. Sûrement celle de mon frère.
– Et les yeux de la Vierge, brillent-ils toujours autant ? dit-elle, préférant changer de sujet.
– Plus autant qu’avant »

Non, ce ne sont plus ceux de la Vierge qui brillent, mais ceux de l’amante dans les bras de son aimé. Celys choisit cet instant pour se rapprocher d’Orios. Elle cala sa tête contre son épaule et posa la main sur son torse. Il continua, tentant de dissimuler ses troubles.

« Au-dessus de nous, le sculpteur m’indique un grand changement dans ta vie.
– Positif ou négatif ?
– Laisse-moi le temps de chercher ! »

Soudain le sang d’Orios se glaça. Des bruits de pas de plus en plus puissants se rapprochaient. Il se leva d’un coup. Autour de lui des hommes se rapprochaient. Couché, il n’avait pas pu les voir. Celys hurla de terreur. Il tourna sur lui-même à la recherche d’un moyen de s’échapper, mais il était totalement encerclé. Un des hommes cria :

« L’autre n’nous avait pas menti !
– Du coup je m’en veux un peu de ne pas l’avoir crû, répondit un autre.
– Foutu menteur, t’en as rien à carrer » gueula un troisième et ils éclatèrent de rire.

Celys s’était réfugiée dans les bras d’Orios, tremblante. Lui savait pertinemment ce qui allait se passer. Ce qu’ils venaient de dire lui avait confirmé ses craintes, ces hommes étaient les mêmes qui avaient eu son frère un peu plus tôt. Ils venaient d’arriver au sommet de la colline. Celui qui semblait être leur chef lança :

« Saleté de satyre, encore en train de nous voler nos femmes. Ton pote t’a vendu, espérant négocier une fin à ses souffrances. Il a bien couiné ce porc » Les autres rirent une nouvelle fois. « Cette fois, c’est la fin. Relâche-la…
– Je suis venue seule, il ne m’a pas … tenta de dire Celys
– La ferme, femme » coupa l’autre.

Orios se pencha et chuchota « pars, laisse-moi, il est trop tard, pars loin. Fais de ton mieux pour oublier, pour m’oublier. » Les larmes coulaient le long de leurs joues. Mais Celys restait là. Orios rassembla son courage et, le cœur déchiré, la repoussa. Surprise, elle chancela et tomba. Il tenta de s’enfuir, les autres ne se firent pas prier. Orios ne pensait plus, ne réfléchissait plus. La première lame lui traversa le torse. La douleur lui parcouru tout le corps. Les coups pleuvaient autant que les insultes. Puis, plus rien. Orios tomba, brisé. Ses yeux fixaient la voute céleste.

« Hey, les gars, j’irais bien prendre une pinte dans la première auberge du coin !
– Ouais ! »

Le sang coulait des plaies d’Orios. Les autres s’éloignaient, tranquillement, échangeant des blagues en riant. Il ne ressentait presque plus aucune douleur. Ses sens l’abandonnaient. Des pas s’approchèrent, légers, délicats. Celys s’agenouilla, en pleurs. Au-dessus d’eux les Jumeaux réunis rayonnaient. A côté l’épée du Guerrier ruisselait.

« Vois les étoiles, elles brillent de mille feux… murmura-t-il
– Tout va bien, tout ira bien, reste avec moi, reste… » Suppliait-elle encore alors que la fleur tombée de ses cheveux demeurait immobile sur la poitrine d’Orios.

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